En novembre dernier, France-Grande-Bretagne Paris avait marqué le centenaire de sa création par une belle soirée au Cercle Interallié. A cette occasion avait été mis en vente une brochure signée de Gérard Hocmard secrétaire général de FGB Paris et que nos membres connaissent bien puisqu’à plusieurs reprises il est venu donner des conférences à Toulon.
Fourmillant d’informations, ponctuée d’anecdotes de première main, cette synthèse d’un siècle d’histoire de France-Grande-Bretagne doit être lue par tous ceux qui, de près ou de loin, s’intéressent aux relations franco-britanniques.
Depuis des siècles, les deux pays aiment s’admirer ou se détester. Aux anglomanes du XVIIIème siècle répondaient les défenseurs de la supériorité de l’identité française (il n’y a qu’à lire le « Discours sur l’Universalité de la langue française » de Rivarol pour en trouver l’écho). Cette querelle s’est poursuivie tout au long du XIXème siècle et au delà même. Ces frictions qui n’étaient pas que culturelles ou linguistiques ont été mis de côté, pour de brèves périodes, par des Souverains s’estimant ou s’appréciant. Ainsi de la première Entente Cordiale. Elle vit à la fin de la Monarchie de Juillet puis sous le Second Empire, Louis-Philippe roi des Français puis Napoléon III empereur des Français nouer avec la Reine Victoria des liens d’amitié forts. Si forts qu’à cette époque la Reine souhaitait la construction d’un tunnel sous la Manche, dont elle deviendra un adversaire acharné quand la République se sera installée en France.
La fin du XIXème siècle, par contraste, est marquée par de violentes oppositions entre les deux pays. C’est, qu’avant même le « scramble for Africa », l’occupation de l’Egypte par les troupes britanniques en 1882 avait réveillé un fort sentiment anti-britannique. Les luttes coloniales culminant à Fachoda en 1898 puis la guerre des Boers allaient exaspérer encore plus les opinions publiques tant en France qu’en Grande-Bretagne.
L’impérialisme allemand de la fin du XIXème siècle menaçant l’hégémonie tant navale qu’industrielle de la Grande-Bretagne permit le rapprochement des deux grandes Nations libérale du continent et de la Russie autocratique. Il conduisit aux fameux accords d’avril 1904 retenus par l’Histoire sous le nom d’Entente Cordiale, expression désormais passée dans le langage courant.
Ce n’est cependant pas dans le sillage de ce grand moment qu’allait naître l’Association France-Grande-Bretagne. Il fallut attendre des jours tragiques, ceux qui, commencèrent le 1 juillet 1916 et dont l’Histoire a retenu le nom générique : la Bataille de la Somme. C’est toute une génération de jeunes Britanniques qui fut fauchée sur les champs de bataille du Nord de la France et que le poème de John McRae « In Flanders fields » rappelle à tout jamais à notre mémoire collective. Ces massacres allaient donner une impulsion définitive à la création de FGB dont les statuts furent déposés à la Préfecture de police de la Seine à la mi-décembre.
Entourant le philosophe (et anglophile) Emile Boutroux, des diplomates, des économistes, des hommes politiques, des journalistes. Les milieux économiques, industriels et ferroviaires n’étaient pas loin derrière cette fondation. C’est que ces derniers avaient un grand objectif qu’ils ne perdaient jamais de vue : la construction d’un tunnel reliant l’Angleterre au Continent. Plus jamais, ils ne voulurent voir le Times s’écrier, quelques années plus tard, après de grandes tempêtes dans la Manche qui empêchaient la navigation : « Storm over the Channel, Continent isolated ». La claironnante plaisanterie du Times allait prendre un tour beaucoup moins drôle quand assiégée par les sous-marins allemands, la Grande-Bretagne fut au bord de la famine.
Le Premier président de l’association fut Paul Deschanel qui occupait le poste de Président de la Chambre des Députés. Quand élu Président de la République il accepta de devenir président d’honneur de l’association, et ouvrit ainsi une tradition qui n’allait se terminer qu’avec le Général De Gaulle.
La période de l’entre-deux-guerres est un véritable âge d’or de l’association. Quel plaisir le lecteur prend à suivre les détails fournis sur cette période par Gérard Hocmard ! L’association a une réelle influence. Un réseau de sections locales se crée souvent dans des villes portuaires (ainsi à Toulon en 1932). Les échanges scolaires et universitaires, les conférences centrées sur la culture britannique se multiplient. Comme l’écrit l’auteur : « C’est (…) dans le domaine culturel que l’action de France-Grande-Bretagne, aura été, de fait la plus efficace et de portée la plus durable ».
La Seconde guerre mondiale allait mettre un terme à cette influence. Pour protéger ses membres, et devant l’avancée allemande sur Paris, en mai 1940, décision fut prise de brûler les archives de l’association et de mettre en sommeil le comité. Quand on se rappelle la violente anglophobie du régime de Vichy, ces décisions furent très sages.
Les années qui suivirent la Libération de la France virent de nouveau refleurir l’association. Près de 80 sections existent sur l’ensemble du territoire. La figure de proue de ces années-là est Robert Wieder, secrétaire général de FGB de 1947 à 1991. Ainsi, parmi les brillantes initiatives de cette période, un « congrès » réunissait tous les ans en Grande-Bretagne des représentants d’association françaises et britanniques. Quelle belle idée serait de relancer ce genre d’initiative !
Cette période voit aussi un changement majeur dans l’organisation : la rupture organique entre l’association-mère de Paris et les « sections » locales qui deviennent des associations de plein droit. Ainsi celle de Toulon est déclarée en Préfecture en octobre 1959.
La fin du XXème siècle est moins brillante même si le projet de tunnel sous la Manche demandée depuis plusieurs dizaines d’années est enfin réalisé. De multiples raisons peuvent expliquer ce déclin que Gérard Hocmard explicite. Parmi celles-ci la disparition de l’exotisme que représentait un voyage en Grande-Bretagne et cela au profit de destinations plus lointaines.
La suppression en 2005 de la subvention versée, depuis la fondation de FGB, par le Ministère des Affaires Etrangères et la disparition d’associations locale importantes et actives comme Bordeaux ou Marseille mais aussi Vichy, Reims soulignent ce déclin malgré de nombreuses initiatives prises par FGB Paris.
Dans les années à venir un défi plus grand encore attend les diverses associations FGB : la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union Européenne. Les sortilèges langagiers, les talismans historiques, les promesses enjôleuses n’y changeront rien : cette sortie sera très douloureuse. On le voit bien dans la démarche du nouveau gouvernement britannique mis en place après le référendum du mois de juin 2016. Ses principaux ministres parcourent le monde à la recherche de nouveaux accords commerciaux, délaissant aves superbe tout l’ensemble européen. Une telle démarche augure de temps difficiles.
Mais FGB en a vu d’autres ! Celle qui est désormais centenaire ne sera jamais une « vieille dame indigne » trahissant son histoire. Bien au contraire elle poursuivra patiemment son œuvre.
Merci à Gérard Hocmard d’avoir, à travers cette brochure (complétée par des informations sur les FGB provinciales) ressourcé notre espérance.
Bernard Sasso Mars 2017