« Préféreriez-vous aimer davantage, et souffrir davantage, ou aimer moins, et moins souffrir ? C’est, je pense, finalement, la seule vraie question». Dès la première phrase de ce livre, nous voilà prévenus par l’auteur que ce roman est un roman d’introspection sur l’amour.
En l’occurrence, il s’agit de l’amour qui se noue entre Paul, 19 ans, et Susan, 48 ans, quand ils se rencontrent au cours d’une partie de tennis qu’ils jouent en double. Cet amour se situe d’emblée sur un plan où chacun des deux est reconnu et accepté aux yeux de l’autre pour ce qu’il est réellement et où s’établit une coïncidence des sentiments, ce qui explique que la différence d’âge ne compte pas.
Des débuts vécus avec intensité où plus rien d’autre n’a d’importance, que ce soient les conventions sociales ou leurs familles respectives (ses parents pour Paul, son mari et ses deux filles pour Susan) à la découverte de ce que va être leur vie en commun avec son lot de désillusions, d’incompréhensions, l’on va suivre l’implication que cet amour aura sur leur vie, tant au niveau social qu’émotionnel. La transformation de l’amour en d’autres sentiments aboutira à une fin assez cruelle. Ce qui fait que la question du début reste toujours posée.
Le récit va disséquer – c’est le mot qui vient à l’esprit tant Julian Barnes se livre à un méthodique travail d’analyse de l’histoire de cet amour – les différentes phases par lesquelles celui-ci va passer.
Au niveau stylistique, l’auteur divise son roman en trois parties.
Dans la première partie qui relate la rencontre et les premières années heureuses de cet amour, le récit est raconté par Paul avec toute l’ignorance et l’arrogance d’un très jeune homme ; c’est le « je » qui est utilisé. Dans la deuxième partie, la parole est toujours à Paul et concerne la vie en commun que les deux amants vont partager pendant une dizaine d’années, mais cette fois-ci c’est le « vous » qui est employé comme si Paul se parlait à lui-même plus qu’au lecteur, pour mieux essayer de comprendre des sentiments et des situations beaucoup plus complexes qu’il ne l’avait envisagés et qui le dépassent. La troisième partie est la partie de la maturité. Elle a un certain goût de doux-amer et est évoquée par un « il » anonyme sauf à la fin du récit qui narre la dernière rencontre entre Paul et Susan, où l’auteur revient au « je » mais avec un tout autre sens. La boucle est bouclée en apparence mais la question est restée sans réponse.
Valérie KROL – Février 2021