Jean D’AILLON
« Une étude en écarlate »
Editions 10/18 495p. 8.80€
Pendant longtemps Arthur Conan Doyle fut convaincu que son nom resterait dans le « panthéon » des lettres britanniques grâce à ses romans historiques. Il tenait pour négligeable la création de son héros Sherlock Holmes. Le temps et le public lui ont donné tort : les romans historiques d’ACD sont oubliés par la plupart tandis que Sherlock a atteint une gloire si universelle qu’elle éclipse désormais son créateur même.
Conan Doyle qui était un amateur passionné de spiritisme aurait sans doute adoré la superbe enquête historique que Jean D’Aillon publie sous le titre malicieux, sinon impertinent, d’Une étude en écarlate. Les Doylens autant que les Holmésiens ne manqueront pas de se souvenir qu’Une Etude en rouge fut la première œuvre de Conan Doyle où apparaissait le détective qu’une récente et belle exposition au Musée de Londres a décrit comme « l’homme qui n’a jamais vécu et qui ne mourra jamais ».
Jean D’Aillon aurait pu, comme tant d’autres pastiches holmésiens, situer son aventure dans le Londres victorien ou édouardien. Mais plus habilement il transporte la création doylenne dans la France du Moyen Age, à l’une des périodes les plus sombres de son histoire. La France est déchirée entre les Bourguignons et les Armagnacs. En juin 1418, Paris a été livrée aux partisans Bourguignons qui ont massacré les Armagnacs dont le chef, le comte Bernard III. L’année suivante le chef du parti Bourguignon, Jean Sans Peur, est à son tour assassiné Son successeur au duché de Bourgogne, Philippe Le Bon, fait alors alliance avec les Anglais qui n’ont de cesse d’augmenter leur emprise sur le royaume de France profitant des luttes internes et dynastiques. Ainsi par le Traité de Troyes (mai 1420) signé par Charles VI la couronne de France passe à son beau fils Henri V d’Angleterre qui en 1421 fait couronner reine d’Angleterre Catherine de Valois fille de Charles VI. C’est sur cet arrière-plan historique que se situe le livre de Jean d’Aillon
La capitale est l’épicentre du drame national. Elle est la ville de tous les assassinats et complots. L’un de ceux-ci vise le roi Henri V d’Angleterre qui en juillet 1421 doit faire son entrée dans Paris. Heureusement, Edward Holmes aidé par son ami l’archer Gower Watson (blessé à la bataille d’Azincourt, preuve s’il en était que chez les Watson, la valeur guerrière se transmet de génération en génération) saura le déjouer, permettant ainsi au roi d’Angleterre d’entrer à Paris. Un témoignage supplémentaire est ainsi apporté que les Holmes et les Watson, à travers les siècles, du Moyen-âge aux époques victorienne et édouardienne, ont su protéger les monarques britanniques de leurs ennemis les plus décidés.
Le livre de Jean d’Aillon se lit avec beaucoup de plaisir. L’intrigue, mêlant personnage fictifs et réels, est menée avec habilité et sans temps mort ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas avec d’autres pastiches holmésiens où le souci de remplir les pages l’emporte sur la rigueur de la construction et de l’histoire.
En cette veille de congés estivaux, le livre de Jean d’Aillon trouvera sa place dans la valise des voyageurs. Il réservera d’excellents moments ce qui est désormais un plaisir rare.
Bernard Sasso Juin 2015